Les grenouilles qui demandent un roi

GRENOUILLES ROI - LA FONTAINE - DORE

Les fables mettent en scène de nombreux animaux auxquels sont attribués les défauts des hommes. Personnellement, même si je reconnais la justesse des situations choisies pour dénoncer les travers humains, je regrette que cela soit fait aux dépens des animaux qui, par ailleurs, sont les victimes de notre aveuglement. Mais bon, c’est une autre affaire et je ne manque pas de parler de ces sujets dans d’autres articles.
Les grenouilles qui demandent un roi est une histoire cruelle où ces batraciens, par leur bêtise, se mettent en fâcheuse posture. Voici le début de la fable telle que la raconte Phèdre :

GRENOUILLES ROI LAMBERT

Les Grenouilles, errant en liberté dans leurs marais, prièrent à grands cris Jupiter de leur envoyer un roi dont l’énergie réprimât leurs mœurs déréglées. Le père des dieux se mit à rire, et leur jeta un soliveau qui, en tombant tout à coup et bruyamment dans leur étang, épouvanta tout ce peuple timide. Comme il restait longtemps enfoncé dans la vase, une Grenouille lève doucement la tête hors de l’eau, examine le monarque, puis appelle ses compagnes.

Face à la demande ridicule des grenouilles, Jupiter fait tomber une souche dans le marécage. Après la bruyante irruption de ce monarque insolite, la curiosité des batraciens les pousse hors de leurs cachettes. Cette fois, voici ce qu’en dit La Fontaine :

GRENOUILLES ROI - OUDRY

Or c’était un Soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui de le voir s’aventurant
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant.
Une autre la suivit, une autre en fit autant,
Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu’à sauter sur l’épaule du Roi.
Le bon Sire le souffre, et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue.
Donnez-nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue.

La demande de ce peuple imbécile est exaucée comme nous le raconte Ésope, premier créateur de la fable :

GRENOUILLES... ROI - PHEDRE

Jupiter écouta la prière des Grenouilles, et leur donna pour les gouverner une Cigogne. Ce nouveau Roi se promenant sur les bords de leurs marais, pour leur faire montre de son courage, en dévora autant qu’il en trouva à sa bienséance. Les Grenouilles alarmées de ce mauvais traitement, présentèrent une nouvelle plainte à Jupiter, qui ne voulut point entendre parler de cette affaire. Depuis ce temps-là elles ont toujours continué à se plaindre et à murmurer ; car vers le soir, lorsque la Cigogne se retire, les Grenouilles sortent de leurs marais, en exprimant dans leur croassement une espèce de plainte ; mais Jupiter est toujours demeuré inflexible, et n’a jamais voulu les affranchir de l’oppression où elles gémissent depuis tant d’années, en punition de ce qu’elles n’avaient pu souffrir un Roi pacifique.

Ici, il est question d’une cigogne, tandis que La Fontaine préfère une grue et Phèdre une hydre. Peu importe l’animal, le résultat est le même et finalement ce qu’il faut tirer de cette fable, c’est de savoir se contenter de ce que l’on a… Un principe qui reste d’actualité !

Merci à la bibliothèque d’Auch pour les photos de ses fonds patrimoniaux.

NOTES

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